"Sans le public, l'oeuvre est incomplète"
- musicartichoke
- 3 avr.
- 2 min de lecture
Interview de Sophie van der Stegen, dramaturge et metteuse en scène de la Cie Artichoke

Dans vos créations, vous insistez sur l’importance du public comme acteur du spectacle vivant. Pourquoi est-ce si essentiel pour vous ?
Sophie van der Stegen : La magie du spectacle vivant réside dans cette interaction. Toute oeuvre d'art existe grâce au destinataire (que ce soit un film ou un livre), certes, mais il me semble qu'un spectacle ne prend réellement vie que lorsqu’il est partagé avec un public. J'irais même plus loin: sans le public, l’œuvre est esthétiquement incomplète. Le public ne se contente pas de recevoir : il participe, il influence, il co-crée par ses réactions, son énergie, son engagement dans le spectacle.
Vous parlez d’un rôle particulièrement important du jeune public. En quoi leur présence change-t-elle la dynamique d’un spectacle ?
Sophie van der Stegen : Le jeune public a cette spontanéité, cette capacité à réagir sans filtre, qui en fait un véritable partenaire du spectacle. Contrairement aux adultes, souvent plus réservés, les enfants s’impliquent naturellement. Ils rient, interpellent, commentent… Ils complètent l’œuvre en y apportant leur énergie et leur imaginaire. Dans un spectacle participatif, leur engagement est encore plus marqué : ils ne sont pas seulement spectateurs, ils deviennent acteurs de l’histoire, parfois même sans s’en rendre compte. On les encourage à prendre cette place d'acteurs dans l'oeuvre.
Cette interaction avec le public implique une grande part d’imprévisible. Comment les artistes se préparent-ils à cela ?
Sophie van der Stegen : C’est précisément ce qui fait la richesse du spectacle vivant. Chaque représentation est unique, non seulement parce que les interprètes varient dans leur jeu, mais aussi parce que le public change à chaque fois. Il peut être plus réactif, plus réservé, plus bruyant… Que l'on soit avant le repas, ou après le goûter (le sucre!) ou après la sieste, etc, ça change l'atmosphère, immédiatement. J'ai constaté que les représentations en matinée sont toujours plus recueillies que celles en après-midi, par exemple. Tout cela modifie la manière dont le spectacle est perçu et vécu. L’artiste doit donc apprendre à composer avec cette part d’inconnu, à être à l’écoute du public, à ajuster son jeu en fonction de l’énergie de la salle. C’est une préparation qui demande une grande souplesse et une réelle acceptation du lâcher-prise.
Vous évoquez aussi la réticence de certains musiciens à laisser une place active au public. Pourquoi, selon vous ?
Sophie van der Stegen : Beaucoup d’artistes, notamment dans le domaine de la musique classique, sont habitués à une posture où le public écoute en silence, sans interaction directe. L’idée que les spectateurs puissent être une composante active de l’œuvre peut sembler déstabilisante. Pourtant, même dans un concert de musique "adulte", l’échange est là : le public vibre, il envoie une énergie qui modifie l’atmosphère, la perception du moment. Accepter cette dimension interactive, c’est enrichir l’expérience artistique et redonner au spectacle vivant toute sa puissance.
Copyright Nine Louvel - Pierre et le loup (sur la route) à la Fonderie, en août 2024
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